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On
ne pouvait continuer d'appliquer, de propager et d'enseigner des principes,
voire des recettes de management nés vers la fin du 19° siècle
et qui avaient mal vieilli ou ... mal tourné.
L'importation
d'idées et de méthodes de management de l'étranger
avait provoqué de profondes déceptions dans les entreprises
et, dans une moindre mesure, chez certains théoriciens et chercheurs
en sciences de gestion :
productivisme brutal, organisation excessivement spécialisée
(taylorisme, fayolisme, weberisme), ou leurs opposés : angélisme psycho-naïf,
autonomisme non concerté...
L'idée
s'était installée, tenace et nocive, que l'efficacité
et la rentabilité s'obtenaient au détriment de la qualité,
que les entreprises étaient condamnées soit à des
stratégies de pure rentabilité, soit à des stratégies
plus humaines. Ces antagonismes sommaires que nous dénoncions et
le malaise des entreprises que nous observions à la veille de la
crise économique mondiale (premier choc pétrolier de 1973,
simple révélateur d'un état de carence chronique
et profond) ont marqué le point de départ de mes recherches
visant à construire une approche tout autant théorique
qu'opérationnelle de management. |
> Télécharger le fascicule - ISEOR 1975 - 2023
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Puisque
l'on s'était évertué, autant dans la pratique
du management, que dans la littérature académique, à
séparer voire à opposer l'économique et le social,
l'idée me vint d'observer ce qui se passerait au sein
des entreprises si l'on rapprochait les éléments que
la tradition antagonique avait opposés : humain/économique,
satisfaction/rentabilité, productivité/qualité,
avantages financiers/avantages qualitatifs, éthique/efficacité.
Ainsi
naquit l'approche socio-économique du management des entreprises
et des organisations dès 1973. Le noeud conceptuel fut la notion
de dysfonctionnements couplée à celle de
coût-performance caché (en abrégé
: coût caché). L'activité humaine, d'une équipe,
d'une organisation, produit simultanément un fonctionnement
correct (orthofonctionnement) et des anomalies ou perturbations (dysfonctionnements).
Toute entreprise engendre, à tout moment, de bons produits qui
alimentent sa rentabilité et préparent son développement
et subit des perturbations qui absorbent une partie de ses énergies
et de ses ressources financières, provoquant un rétrécissement
de ses résultats.
Le
coût financier de ces dysfonctionnements n'est pas identifié
dans les systèmes d'information de management, et, moins encore,
dans le plan comptable, général ou analytique. C'est pourquoi
j'ai proposé de le dénommer "coût caché", car
s'il est vrai que sa cause est connue (le dysfonctionnement repéré),
l'impact financier de celui-ci n'est pas mesuré ni surveillé.
- Lorsque
l'entreprise parvient à réduire ses dysfonctionnements,
des améliorations de résultats financiers se produisent,
sans apparaître distinctivement dans la comptabilité
: c'est une performance cachée. Ainsi, plus
l'entreprise a un gisement important de coûts cachés
et plus elle peut espérer une amélioration de ses résultats
par mobilisation et valorisation de ses ressources internes actuelles,
sans recourir à un financement extérieur supplémentaire.
Telle
est la conception du management socio-économique innovateur que
nous avons conceptualisé dès 1973, puis expérimenté
et évalué sur la longue durée. Encore fallait-il
concevoir une technologie efficace pour son implantation durable au sein
des entreprises et des organisations. Nous avons ainsi construit la méthode
d'intervention socio-économique qui s'est avérée
efficace et efficiente.
Plus tard, la question de la maintenance du management
socio-économique nous a été posée par les
entreprises et les organisations qui avaient implanté ce mode de
management.
La
pratique et l'observation scientifique des processus d'implantation et
de maintenance de systèmes de management ont ainsi donné
naissance à notre champ de compétence scientifique et technique
: l'ingénierie
du management et du changement.
La
qualité du management des entreprises est aussi importante que
la technologie et l'innovation de produits. Compte tenu de cet enjeu,
est-il bien raisonnable de ne pas réaliser une abondante et fructueuse
recherche-développement en management prise en charge conjointement
par les entreprises et par les chercheurs en sciences de gestion ?
- La
recherche en sciences de gestion, quand elle existe, reste trop atomisée,
les équipes trop petites et peu structurées, les thèmes
abordés trop pointillistes et fluctuant selon les modes. On
confond aussi trop souvent la recherche scientifique et la recherche
pédagogique. Comment peut-on répondre aux besoins réels
de l'entreprise par une simple recherche pédagogique ? Une
recherche efficace en management se doit d'être scientifique.
Afin de progresser dans le domaine de la gestion et du management,
les universités, les écoles, les enseignants-chercheurs,
doivent resserrer les liens interactifs de coopération
scientifique avec les entreprises et les praticiens.
C'est
pourquoi nous avons inauguré avec la création de notre équipe
de l'ISEOR une nouvelle pratique
de la recherche et de l'intervention en entreprise : une recherche fondamentale
à vocation universelle se nourrissant du patrimoine de connaissances
accumulé, structuré et modélisé par l'expérimentation
répétée et évaluée "sur le terrain",
au sein de 2150 entreprises et d'organisations privées et publiques
réparties dans 47 pays sur 4 continents.
2
030 000 heures de recherche-intervention de longue durée, et une
observation rigoureuse et rapprochée en situation réelle,
de plus de 110 000 personnes (directions, encadrements, personnel de base),
nous ont permis de construire une solide base de connaissance en management.
Les enseignants-chercheurs, membres de l'équipe
de direction de l'ISEOR, pratiquent eux-mêmes, à temps
dominant, la vivifiante recherche expérimentale sur le terrain,
à la tête de leurs équipes d'intervenants-chercheurs
(700 depuis l'origine).
L'approche
socio-économique se propose aussi d'aider les entreprises et les
organisations à mettre fin aux micro-expériences d'amélioration
qui se développent rarement de façon durable, et n'irriguent
jamais la totalité de l'entreprise.
La
demande croissante d'entreprises privées et nationales et d'organisations
de service public, nous a permis de développer une recherche
contractuelle permettant un autofinancement grâce à
la multiplication et au renouvellement des contrats conclus avec les utilisateurs.
Cela permet au chercheur d'accéder à un statut de partenaire
à part entière de l'entreprise ou de l'organisation, sans
dépendre des vicissitudes, des errements, des modes et des limites d'utilité
de la recherche exclusivement subventionnée ou excessivement académique.
Encouragés
par notre développement progressif et continu depuis 47 ans, nous continuons à enrichir notre base de connaissance
et base de données construite avec chacune de nos expérimentations, d'affiner notre programme
en grandeur nature. Cela nous permet d'enrichir et nos concepts et nos
outils et d'alimenter un vaste observatoire international de la vie réelle
interne et externe des entreprises et des organisations, développé
en réseau dans de nombreux pays.
Professeur
Henri Savall, Président-Fondateur de l'ISEOR
Suite
: Présentation du laboratoire de recherche
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