|  | 
   
    |  |   
    |  |  | LE CONCEPT 
      DE DISPONIBILITES |  
    |  |  
    |  |  
    | On 
      ne peut disposer, dans l'acception juridique du terme, que de ce sur quoi 
      on a une propriété totale ; et il est évident que 
      tout bien économique dont on jouit en pleine et en libre propriété 
      est une disponibilité, dans ce sens.  Son 
        propriétaire peut l'affecter, par elle-même, ou virtuellement 
        au moyen de son équivalent sur le marché, à satisfaire 
        ses besoins ou ceux d'autrui suivant sa volonté, à réaliser 
        ses desseins, en somme, dans le cadre des possibilités économiques 
        que contient sa valeur. Toute propriété de notre patrimoine 
        ayant une valeur, toute chose appréciée des hommes et qu'il 
        nous est possible de transférer, nous permet d'obtenir en échange 
        les objets, les services, les avantages que les autres sujets sont en 
        mesure de nous fournir par leur travail.  Cependant, 
        toutes les propriétés ne sont pas indifférentes, 
        de ce point de vue ; il ne nous sera pas aussi facile de trouver quelqu'un 
        qui nous donne ce que nous pouvons souhaiter en échange d'un diamant 
        ou d'une maison, qu'en échange de blé ou de laine. Il est 
        notoire que certaines marchandises trouvent plus facilement un débouché 
        que d'autres, car elles répondent à des besoins plus habituels 
        et plus courants. |  
    |  |  
    | 
      La première restriction au concept général  |  
    |             Parmi  les marchandises qui ont un débouché facile, il n'y en a aucune qui soit  supérieure à la monnaie. La monnaie, et c'est là sa qualité caractéristique et  essentielle, est ce que chacun est le plus disposé à accepter en échange de ses  marchandises ou d'objets de valeur. Qu'il s’agisse d'une matière utile ou d'un  simple signe fiduciaire qui en tienne lieu, c'est une marchandise spécifique  qui, n'étant pas en principe différente des autres, de la même espèce - métal  ou titre de crédit remboursable - a acquis une très singulière propriété, en  vertu de l'usage suivant lequel chacun l'accepte, avec la plus grande garantie  de ce que le marché lui fournira, au moment où il le désirera, la juste  équivalence de ce qu'il a aliéné en échange de ce signe. Cette qualité est  consubstantielle avec celle qui consiste à constituer la disponibilité par  excellence, au sens économique.             Si  l'objet dont nous voudrions disposer, pour réaliser nos fins économiques, n'est  pas de la monnaie, mais une propriété, un bijou, une marchandise ou un titre de  la dette publique, il nous faut l'évaluer en monnaie, rechercher la personne  qui a besoin de cet objet particulier, en discuter le prix et, enfin,  l'échanger contre de l'argent, toutes choses qui ne sont pas très faciles à  réaliser. De là le fait que parmi tout ce que chacun possède, seule la monnaie  est généralement considérée comme disponibilité ; à l'exception de tous les  autres objets, quelle que soit leur valeur, quel que soit leur prix, voire même  si elles ont une valeur supérieure à celle de la monnaie elle-même.              Un  homme d'affaire, sans avoir moins de capital qu'auparavant, peut se trouver  dans une situation difficile, voire acculé à la banqueroute, si du fait de la  paralysie de ses ventes, ses disponibilités ne se reforment pas, ceci dans  toute la mesure où la monnaie représente, comme toujours, le symbole de toute  richesse, bien qu'en vérité, elle n'ait pas davantage, mais, plutôt moins, de  valeur qu'un autre objet.              La  monnaie, quelle que soit la forme qu'elle revête, est essentiellement un signe  de crédit sur la société, le symbole et la mesure du droit de revendiquer sur  le patrimoine social les biens que le marché considère équivalents à cette  somme de monnaie. En effet, la possession de cet argent est en soi, la preuve  effective, que l'on a apporté, au fonds de biens sociaux, une valeur ou un  effort qui a été évalué et rétribué par cette somme, son propriétaire peut  donc, lorsqu'il le désire, réclamer sa juste récompense sous forme de son  équivalent en marchandise.              Apporter des marchandises sur le marché, c'est  augmenter l'offre. Apporter de la monnaie, c'est accroître la demande ; en ce  sens, la monnaie et les autres marchandises sont des termes antinomiques. Ce  que l'on accepte comme monnaie acquiert, en vertu de ce principe, le pouvoir  d’inciter, à travers le marché, les forces économiques à produire ce que son  propriétaire demande. Celui qui possède cet objet, dans la mesure où il le  possède, dirige l’application des énergies productives ; si ces désirs et  ces desseins se modifient, le changement se traduit, par la suite, en un  déplacement des activités de production, tout comme les variations d'un courant  électrique proche modifient l'orientation d'une aiguille aimantée. |  
    |  |  
    | 
      La deuxième restriction au concept général |  
    |             Mais  peut-on considérer toute la monnaie au même titre et dans la même mesure comme  une disponibilité ?              Considérons  le capital monétaire possédé par un individu. La portion requise pour faire  face aux besoins péremptoires, en attendant de nouveaux revenus, est une somme  dont on ne peut pas, à juste titre, disposer à d'autres fins. Même si  l'occasion se présente de lui donner une autre affectation, ou même de  l'investir dans une affaire avantageuse, la prudence la plus élémentaire  empêche que l'on en face usage, car il n'y a pour personne d'affaire plus  importante que celle de sa propre subsistance. Certains autres besoins peuvent  facilement attendre, et une très légère instigation nous induit à différer leur  satisfaction ou à la compenser par d'autres satisfactions moins  copieuses ; mais toujours est-il que, même pour les fins les plus  superflues, nous avons toujours quelque chose à dépenser.              Le  degré maximum de disponibilité est représenté par la monnaie dont nous sommes  disposés à renoncer à l'emploi, car nous espérons que l'on tirera, à l'avenir,  de son usage ou de sa possession, un profit ou des avantages qui ne seraient  pas suffisamment compensés par leur placement immédiat actuel. Cette monnaie,  que rien pour l'instant n'incite à employer, qu'aucun besoin impérieux n'invite  à dépenser, constitue ce qui est disponible avec le maximum de liberté, en vue  d'investissements à n'importe quel instant dans une forme de placement qui nous  paraît opportune ou dans une affaire qui nous apparaît comme lucrative.              La  vraie disponibilité, dans l'acception qui lui donnent les financiers, est en  principe de l'argent soustrait à la dépense courante, argent dont on n'a pas  besoin pour faire face aux engagements inéluctables, et qui reste, par  conséquent, en réserve, apte à n'importe quel emploi que l'on pourra lui  donner. Il n'existe pas une délimitation précise entre l'argent absolument  disponible et le reste ; d'un côté, il y a ce qu'il serait totalement superflu  de dépenser, et de l'autre ce qui est strictement indispensable. Il y a  toujours une zone intermédiaire de possibilités que l'on est plus ou moins  enclin à destiner à la consommation et qui, selon les circonstances, seront  consommées ou au contraire réservées, épargnées. |  
    |  |  
    | 
      La troisième restriction au concept général |  
    | Il faut encore établir une distinction, à  l’intérieur de la monnaie que l'on ne pense pas consacrer à la dépense courante  et qui, de ce point de vue, peut être considérée comme une disponibilité.              Les  espèces que possèdent les commerçants, les industriels et les spéculateurs,  pour faire face aux besoins de leurs affaires, sont sans aucun doute une  disponibilité au sens générique. Cependant, si cette  disponibilité est nécessaire à la marche  normale de l'affaire - toute affaire exige une certaine somme de disponibilités  pour être menée à bien - son caractère de disponibilité est en pratique très  relatif, car son absence entrainerait de réelles difficultés pour l'homme  d'affaires. Au contraire, l’épargne fraîchement accumulée, les stocks de  monnaie du commerçant qui dépassent les besoins de l'accomplissement normal de  ses engagements et qu'il peut aussi bien consacrer à la réalisation d'une  dépense extraordinaire qu'à l'agrandissement de son affaire ou à une autre  entreprise, ou enfin l'appliquer à quelques tâches lucratives  extra-commerciales, sont une disponibilité au sens plein du terme, à tous  égards.  |  
    |  |  
    | 
      Le degré de disponibilité monétaire |  
    |  En résumé, il peut y avoir trois degrés de disponibilité monétaire.   Premièrement : les rétributions productives qui forment le revenu normal des consommateurs, qu'il soit directement ou non producteur, et sont généralement destinées à faire face à leurs besoins habituels (disponibilité minimum).   Deuxièmement : Les sommes d'argent aux mains des industriels, des commerçants, des banquiers et des spéculateurs, qui forment le fonds monétaire nécessaire à la marche de leurs affaires ; elles ne sauraient être diminuées, sans provoquer de grands préjudices pour le développement de telles affaires (disponibilité relative ou moyenne).  Troisièmement : Le surplus obtenu entre les derniers gains et les revenus perçus, et les dépenses personnelles, épargne de formation récente, que des possesseurs n'ont pas l'intention de consacrer à la dépense courante, et pour laquelle ils n'ont pas d'emploi utile ou lucratif à leur portée (disponibilité absolue ou maximum). 
  Pour les finalités de notre recherche, il est bon de distinguer particulièrement les deux dernières formes de disponibilité et la première. Lorsque nous emploierons simplement le terme disponibilités, nous entendrons par excellence, les disponibilités du deuxième et troisième cas, alors que nous désignerons les premières par le terme de revenus.   Nous désignerons par le terme de "fonds en disponibilité ou avoir disponible", l'ensemble des disponibilités existantes ou masse sociale des disponibilités (1). Mais en parlant par exemple du fonds social disponible à un moment donné, nous inclurons, outre les véritables disponibilités, les résidus des revenus antérieurement perçus, qui subsistent à cet instant, bien qu’ils soient destinés à la consommation, car objectivement, il serait difficile de distinguer ces résidus des disponibilités réelles ; or il me paraît indispensable que toutes les grandeurs que l'on fera intervenir dans les raisonnements économiques puissent être déterminées d'un point de vue objectif. 
 |  
    | 
 |  
    |  (1) J'utilise le terme "d'avoir", pour désigner ce que, vulgairement on appelle capital d'un individu, et qui n'est pas un capital au sens scientifique du terme. Les économistes utilisent le mot capital pour désigner une partie du patrimoine destinée à aider la production, de telle sorte que de nombreuses choses, la plupart peut-être, que l'on désigne communément par capital d'un individu, ne constituent pas un capital dans l'acception économique.  Si nous prenions en revanche la définition d'Adam SMITH : "Ce qui rapporte un revenu à son propriétaire ou ce dont on espère qu'il en rapportera", le concept engloberait la majorité des biens que nous avons exclus dans l'autre définition, mais la monnaie en général, en serait exclue, car elle ne rapporte aucun revenu et l'on ne peut pas espérer, non plus, qu'il en rapporte un, pour autant qu'il n'est pas échangé contre d'autres biens.  Afin d'établir une distinction claire entre ces deux concepts, j'avais proposé (Société et Bonheur - Livre 2, Chapitre 6), qu'en réservant le nom de "capital" à la richesse employée à des fins de reproduction, on utilise le mot "avoir"  pour désigner le patrimoine total d'un individu, bien qu'il consiste en biens n'ayant pas une valeur intrinsèque. Par ailleurs, l'usage du mot capital, dans un sens ambigü, n'est pas rare dans les ouvrages d'économie, et constitue l'une des causes importantes de la confusion qui règne à propos de ce facteur de la production. |  |