L’Iseor
ouvre cette rubrique parce que la crise actuelle n’est pas passagère.
C’est un profond séisme qui bouleversera pendant longtemps
nos repères dans l’univers économique et social.
Les structures et les comportements de demain sont à
réinventer dès aujourd’hui car le chemin
de la prospérité durable sera long.
C’est une opportunité exceptionnelle qui
se présente. Les effets spectaculaires tels que faillites, fraudes,
licenciements… de la crise actuelle ont été heureusement
atténués par des actions de secourisme financier. L’incendie
est éteint mais le feu couve, car les causes fondamentales des
déséquilibres économiques et sociaux ne sont pas
touchées.
Des voix
de plus en plus nombreuses d’experts s’élèvent
pour nous inciter à réfléchir au sens profond de
cette méga crise. Récemment, Alain Touraine,
sociologue, analysait « la crise et la double mort du social »(1)
. Guy Sorman invoquait la parabole de Saint-Simon ou les Etats désenchantés(2)
. Le dernier livre de Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie,
constate aujourd’hui « Le triomphe de la cupidité
»(3) , celui du philosophe Michel Serres s’intitule
« Temps des Crises »(4) . Chaque jour,
s’expriment dans les médias, des ouvrages de vulgarisation,
des publications savantes, les opinions critiques, parfois accompagnés
de propositions, qui méritent l’attention des décideurs
publics et privés, chefs d’entreprises, cadres, personnels…
et citoyens.
Notre pronostic
est que cette dynamique de la pensée constitue un signal fort
d’un vaste mouvement décennal d’innovations multiples
qui toucheront tous les aspects de la vie économique et sociale,
au sein des organisations, sur les marchés, sur tous les territoires,
bref dans l’ensemble de la société.
Telle est la conclusion
de nos recherches récentes sur les phénomènes inquiétants
de la tétranormalisation(5), annonciateurs de
la crise actuelle. Ce pronostic résulte aussi des innombrables
expériences des chercheurs de l’Iseor depuis 35 ans dans
les entreprises et les organisations sur les résultats bénéfiques
et encourageants d’un management innovant intégrant les
variables sociales aux performances économiques.
Nos toutes premières
recherches nous avaient fait découvrir une théorie pionnière,
extraordinairement originale, d’un grand économiste(6)
espagnol méconnu, inspirateur négligé du célèbre
Keynes. Dans un article de 1922, Germán Bernácer, propose
une explication des crises récurrentes, congénitale à
l’existence des marchés spéculatifs, marché
immobilier et d’œuvres d’art, marché financier
à terme, bourse du commerce (matières, énergie….).
Ces marchés spéculatifs regorgent de capitaux financiers,
les attirent et les capturent ; ceux-ci font alors défaut dans
les secteurs productifs où se crée la valeur réelle
et assèchent leur financement.
L’histoire
se répète … 1929 …2007, 2008…
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Article de Germán Bernácer publié dans la revue
REVISTA NACIONAL DE ECONOMÍA Barcelona 1922
(1) Le Figaro du 1er mars 2010 |
(2)
Le Monde 2 mars 2010, article sous-titré « Le déplacement
du pouvoir vers l’économie – monde et l’entreprise
dessaisit les gouvernements de leur influence » |
(3)
Editions Les Liens qui Libèrent (LLL), 2010 |
(4) Editions Le Pommier, 2009 |
(5)
H. Savall, V. Zardet « Tétranormalisation ; défis
et dynamiques », Economica, 2005. La tétranormalisation
se réfère, à l’avalanche des normes contradictoires,
regroupées en quatre pôles principaux, qui troublent
le fonctionnement de l’univers économique et social
et retardent des décisions salutaires pour les entreprises
et les citoyens |
(6)
« G. Bernácer : L’hétérodoxie en
science économique », collection des Grands Economistes,
Dalloz, 1975 |